Un poète chinois : Zhang Ruoxu

Publié le par Binet X-Chine

Zhang Ruoxu, ou 张若虚 pour les initiés, est l’un des poètes chinois les plus célèbres, alors que, paradoxalement, on n’a gardé la trace que de deux de ses poèmes. Il vécut de 660 à 720 apr. J-C, sous la dynastie des Tang, vue comme l’âge d’or de l’art et de la littérature chinoise. De nombreux classiques sont créés à cette époque qui ne seront plus dépassés par la suite, et une grande ouverture sur l’extérieur (Corée, Japon, mais aussi l’occident et le Moyen-Orient) permet à cette culture de se répandre.

Malgré son don pour la poésie et la littérature, Zhang Ruoxu n’était qu’un fonctionnaire de très bas niveau, car le gouverneur de sa province était corrompu et empêchait l’accès au pouvoir des poètes. Il fut cependant par l’ami du premier ministre de l’époque, poète lui-même et qui appréciait son art. Zhang Ruoxu a été le précurseur d’un nouveau style de poésie romantique et inspiré par la philosophie. Le caractère surprenant de son œuvre est le fait que l’on ne connait que deux de ses œuvres et que malgré cela, il est l’un des quelques poètes chinois les plus connus, encore aujourd’hui. Son poème Fleuve, lune et fleurs printanières, « 张若虚 » a en effet été jugé par la poète moderne Wen Yiduo (1899-1946) comme « le poème des poèmes », « son seul poème, mais meilleur que tous les autres de la dynastie Tang » pour d’autres. Il n’a été retrouvé qu’au XVIe siècle par un collectionneur, et reste aujourd’hui probablement le plus connu des poèmes chinois. Un classique de la musique chinoise a par ailleurs été renommé et réarrangé en 1925 pour le représenter (cf ici).

Le poème en lui-même fait apparaître deux parties. Dans une première, le poète décrit un claire de lune à l’embouchure du fleuve Yangtsé, faisant le lien entre l’environnement et la mélancolie des personnages, qui ne sont pas nommés explicitement. La deuxième partie insiste plus sur l’amour de la femme pour son mari, probablement parti à la guerre. Le temps passe, et le printemps qui s’en va n’est pas que la saison, mais aussi la jeunesse de la femme.      

 
   
 

 

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春江花月夜 – Un clair de lune sur le fleuve au printemps


Au printemps le fleuve déborde, s’unissant à la mer,
De l’océan, la lune monte avec la marée;
Scintillante, suivant les flots sur dix mille lis,
La lune glisse omniprésente le long du fleuve au printemps.

 

春江潮水连海平,

海上明月共潮升。
滟滟随波千万里,

何处春江无月明!

 

Le courant serpente entre les prairies parfumées,
Les arbres fleuris deviennent neigeux sous les rayons argentés;
Dans l’air qui semble condensé, se meut le givre
Qui voile les rives sablonneuses, à peine distinctes.

 

江流宛转绕芳甸,

月照花林皆似霰 ;
空里流霜不觉飞,

汀上白沙看不见。

 

Ciel et fleuve, sans l’ombre d ’une poussière, forment un camaïeu pur,
Au-dessus duquel brille une lune solitaire dans le firmament infini;
Qui fut le premier à contempler la lune au bord du fleuve?
Et quand pour la première fois, la lune a-t-elle éclairé les hommes?

江天一色无纤尘,

皎皎空中孤月轮
江畔何人初见月?

江月何年初照人?

 

La vie se perpétue, génération après génération,
Fleuve et lune paraissent immuables, année après année.
Innombrables sont les hommes qui s’en sont allés sous cette lune,
Seul demeure le grand Yangtsé charriant ses eaux précipitées.

人生代代无穷已,

江月年年只相似;
不知江月照何人,

但见长江送流水。

 

Autant me semble éloigné ce flocon de nuage qui va s’effilochant,
Autant est triste l’homme sur la rive aux érables verts;
Cette nuit-dans quelle maison, pense-t-on au voyageur sur l’eau
Sous cette lune qui s'attriste d'éclairer en solitaire le pavillon vide?

白云一片去悠悠,

青枫浦上不胜愁。
谁家今夜扁舟子?

何处相思明月楼?

 

Elle s’y attarde, comme accrochée par-dessus son toit,
Et pénètre le boudoir habité par une âme esseulée.
Elle se présente, insistante, à la fenêtre au rideau tiré,
Indélébile sur la planche où tomberont les coups du battoir.

可怜楼上月徘徊,

应照离人妆镜台。
玉户帘中卷不去,

捣衣砧上拂还来。

 

A cette heure, à défaut de nouvelles, nous regardons la même lune.
Mais je voudrais être un de ces rayons qui te caresse...
Que l’oie sauvage porte mon message aussi loin que la lune!
Que les ondes nées des ébats des poissons composent mon courrier!

此时相望不相闻,

愿逐月华流照君。
鸿雁长飞光不度,

鱼龙潜跃水成文。

 

La nuit précédente, un rêve, où les pétales tombaient sur l'étang;
La mi-printemps déjà passée, et toi, malheureuse, tu ne me reviens pas...
Avec les eaux du fleuve, le printemps touche presque à sa fin,
A l'ouest, près de l ''étang, la lune est sur son déclin;

昨夜闲潭梦落花,

可怜春半不还家。
江水流春去欲尽,

江潭落月复西斜。

 

EIle va bientôt se coucher au fond de la mer brumeuse,
Mais encore longue est la route, entre Jieshi et Xiaoxiang
Combien sont-ils, ceux qui rentrent au clair de lune, cette nuit-là?
A la lune déclinée, les arbres du fleuve soupirent, mélancoliques.

斜月沉沉藏海雾,

碣石潇湘无限路。
不知乘月几人归,

落月摇情满江树

 

Yijun et Pascal

Publié dans Culture chinoise

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